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Le fils de la Sunamite

2 Rois 4. 17-37

Hier, nous nous sommes étendus sur la première partie du récit que nous venons de relire. Nous y  avons fait la connaissance d’une femme de distinction qui avait une piété offensive et une foi pratique à côté d’un mari plutôt effacé. Le jeune fils de cette femme était un miracle de la grâce de Dieu, comme le sont d’ailleurs toutes les autres œuvres de Dieu, qu’elles s’appellent la nouvelle naissance individuelle ou l’Assemblée collective, ou toutes les autres merveilles issues de la prédication de l’Evangile. Elles ont toutes pour origine une intervention divine.

Mais il y a un ennemi à l’affût, qui veut détruire ces œuvres, et nous savons qu’il y réussit parfois, au point que même le vase dans la main du divin potier peut rater comme nous le raconte Jérémie 18.

A plus forte raison y a-t-il des dégradations là où l’œuvre de Dieu est confiée entre les mains de l’homme : A Ephèse, le premier amour est abandonné.

A Pergame, la doctrine se relâche.

A Thyatire, elle est franchement corrompue.

A Sardes, l’œuvre est stoppée à mi-chemin.

Et à Laodicée, elle est devenue méconnaissable.

Toutes ces Assemblées étaient pourtant le produit d’un miracle de Dieu. Mais même un miracle ne met pas une Eglise à l’abri du déclin et de la mort.

Une Assemblée peut avoir comme ce jeune enfant, la tête souffrante et être entraînée à une disparition rapide. Un autorité sur son déclin, des centres nerveux qui ne commandent plus, et c’est la mort certaine à brève échéance.

D’ailleurs, comme cette femme, nous assistons impuissants au déclin de la vie spirituelle. Et ce déclin, s’il n’est pas mondial il est en tout cas européen.

Mais lorsque l’œuvre est vraiment de Dieu, la situation, fut-elle à son point le plus sombre, elle n’est jamais désespérée.

Le vase est-il gâché ? Qu’à cela ne tienne, Dieu en refera un autre ! La terre, œuvre de Dieu, est-elle devenue chaos selon ce qu’en disent les premières lignes de la Genèse ? L’Esprit de Dieu planera sur les ténèbres de la mort pour la remettre en état et la rendre habitable pour l’homme ! Le premier Adam a-t-il failli ? Dieu enverra le 2ème Adam pour le sauver ! La nuit du moyen-âge a-t-elle maintenu les hommes dans l’ignorance ? Dieu par la Réforme fera éclater l’aube libératrice d’un jour nouveau ! Le Protestantisme est-il entré dans une période d’apathie ? Les 18ème et 19ème siècles verront naître les Réveils religieux d’où sortiront quantités de témoignages évangéliques !

Les hommes disent « tant qu’il y a vie, il y a espoir ». Mais parce que nous croyons en un Seigneur ressuscité, nous disons : « Y aurait-il mort, que nous garderions espoir parce que nous nous confions en celui qui ressuscite les morts ».

La situation actuelle ne peut pas être plus sombre et plus difficile que celle qui nous est rapportée en 2 Rois 4. Et le même Dieu qui par sa puissance a fait reculer la mort et fait renaître à la vie, peut aussi, dans les  temps particulièrement difficiles que nous traversons, répondre au-delà de ce que nous demandons et pensons.

 

Les quatre agents.

Ici, comme souvent dans l’œuvre de Dieu, des agents humains entrent en scène. Ils sont au nombre de quatre. Quatre personnes vont graviter autour du salut de l’enfant. Le père, la mère, Guéhazi et Elisée. De ces quatre personnes vont sortir quatre réactions différentes qui se retrouvent aujourd’hui encore chez ceux qui sont partie prenante dans l’œuvre de Dieu.

Et parmi ces quatre personnes, deux seulement vont jouer une part importante et décisive. Les deux autres ne seront que des figurants de deuxième ordre, des acteurs de deuxième rang. Je n’oserai pas les traiter de parasites, car si le Saint-Esprit a bien voulu nous en parler, c’est afin que de leur effacement nous en tirions une leçon.

Certes ils auront leur part des réjouissances à la fin, comme au tribunal de Christ où chacun recevra sa louange du Seigneur nous dit 1 Cor.3 :14,15, même ceux qui seront sauvés comme au travers du feu, mais leur part sera bien mince, car s’il n’y avait eu qu’eux, l’œuvre de régénération ne se serait jamais faite.

Ces deux personnages plutôt médiocres ont nom de 1)  le père de l’enfant et 2) Guéhazi le serviteur d’Elisée.

Voyons tout d’abord :

 

I – Le père de l’enfant.

Il fut le premier à remarquer les premiers signes de la maladie qui allaient emporter son fils. Il avait le don d’observation mais pas celui de l’action.

Et de même, ceux qui sont les premiers à remarquer ce qui ne va pas, ne sont pas toujours les premiers à faire quelque chose pour que ça aille mieux. Comme ce père a envoyé son enfant chez sa femme, ils s’en remettent volontiers aux autres, ils se déchargent sur les autres comme si ce n’était pas leur affaire à eux.

Mais, je vous le demande, n’était-ce pas son affaire à lui ? N’était-il pas son fils, son fils unique en plus, son seul héritier ? Hé bien non, il était trop occupé ; et pourtant sa vie, son travail, ses récoltes, n’avaient de sens que dans la survie de son fils. Son fils mort, tout perdait son sens, son intérêt ; tout devenait vain : à quoi bon toute cette peine si son unique descendant ne pouvait lui succéder ?

De même, notre vie chrétienne ne garde son vrai sens que dans la prospérité et la continuité et c’est pourquoi elle doit nous tenir à cœur.

Que notre Assemblée locale qui est aussi l’œuvre de Dieu s’étiole et c’est toute notre vie qui s’amoindrit ; qu’elle meure et c’est le témoignage du salut dans la région où elle est implantée qui meurt avec elle.

Certes, cet homme avait, d’autres chats à fouetter, du moins le pensait-il ; il avait sa récolte à rentrer, il avait des à-côtés importants. Mais le malheur, ce n’est pas d’avoir des à-côtés importants, nous en avons tous, c’est de mettre nos récoltes matérielles au centre de nos vies et de faire un à-côté de l’œuvre de Dieu.

 

L’exemple de Jésus.

Jésus n’a pas traité l’œuvre de son Père comme un à-côté. A douze ans déjà, il y était tout entier ; aux reproches de Marie sa mère qui ne le comprenait pas, n’a-t-il pas répondu : « Ne saviez-vous  pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ? ».  Toute sa vie a démontré que son but premier c’était de faire l’œuvre et la volonté de Dieu. Quand il est entré dans la partie la plus douloureuse de cette œuvre, le temps de la Passion, pour accomplir cette œuvre de salut il s’est tourné résolument vers Jérusalem, sachant pourtant le terrible sort qui l’y attendait. Et l’apôtre Paul qui mettait ses pieds dans les traces de son Maître disait :  « Je ne fais pour moi-même aucun cas de ma vie comme si elle m’était précieuse, pourvu que j’accomplisse ma course avec joie et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus d’annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu » (Actes 20 :24).

 

Le détachement de ce père à l’égard de son jeune fils se mesure quand il le fait porter à sa mère par un de ses ouvriers : il ne souffle pas mot. Bah ! pense-t-il, un cachet d’aspirine et ça passera. Mais la méningite foudroyante ne se guérit pas avec une bonne dose d’indifférence, d’indolence, des cachets d’aspirine et du paracétamol.

Il trouvera même étrange que sa femme aille vers le prophète. Ce n’était pas le sabbat, ni la nouvelle lune ; pour lui ce n’était pas le moment. Pour certains ce n’est jamais le moment de faire quelque chose, de reprendre les choses en main. Ils regardent aux jours, aux nuages et à la pluie dit le livre de l’Ecclésiaste, et ils laissent passer le jour de l’action. Ils ont leurs moments à eux, leurs itinéraires à eux, ils ont leurs heures à eux, comme le héron de la fable qui négligea la carpe et le brochet parce que ce n’était pas l’heure du repas et qui dût se contenter d’un limaçon ! Ils ne savent sans doute pas que pour le diable c’est toujours le moment. Il n’a, lui, ni horaire, ni sabbat, ni nouvelle lune, ni jour de Mephisto. Il sème son ivraie et moissonne  en tout temps ; lui au moins n’est pas sclérosé dans un horaire étriqué. Il joue ses airs de perdition sur la harpe à sept cordes des sept jours de la semaine. Aussi, à des attaques qui nous viennent à tout moment et de tous les azimut, il faut faire comme cette femme et comme l’a dit l’apôtre Paul, il faut contre-attaquer « en temps et hors de temps » (2Tim.4 :2).

 

Incompréhension.

Mais ce langage, cette façon de faire, il ne peut pas le comprendre, il n’a d’ailleurs jamais compris grand-chose. Certes, il ne s’y oppose pas. Il est d’ailleurs du type qui ne s’oppose à rien parce qu’il ne s’intéresse à rien. Si, peut-être, à ses sabbats, ses nouvelles lunes, les grandes fêtes du calendrier ecclésiastique  mais entre temps, il faut le laisser tranquille ; il est à sa récolte, à son bricolage, à sa télévision, à la lecture de son journal, à son jardinage, à son ouverture de la pêche ou de la chasse,  à sa cueillette des champignons, à sa coupe d’Europe. Il y a toujours une saison pour quelque chose et il y a tellement de saisons pour tout qu’il ne leur reste plus de temps libre pour les activités de l’Assemblée du dimanche ou de la semaine. L’Eglise Réformée a pour eux cette belle mais triste définition, ce sont des « périphériques », on ne sait jamais s’ils sont dedans ou dehors.

Si le prophète a pris ses repas chez eux, il n’y est pour rien. Si une chambre d’accueil a été construire, il n’y est pas pour grand chose. S’il a un héritier, c’est deux fois à sa femme qu’il le doit. Son fils sera sauvé mais il n’y sera encore pour rien ; certes, il est là, mais il compte pour du beurre, il est la cinquième roue d’un char ; il est comme la roue de secours de ma dernière voiture, elle était dans le coffre depuis le début mais je ne m’en suis jamais servi ; elle était là, en cas !  Lui aussi il était un « en cas ». Il est bouclé dans le coffre, il ne partage ni la vision ni la souffrance de sa femme ; dans cette scène il n’est qu’un pâle figurant tellement effacé et sans relief qu’il finit par se confondre avec le décor. Il y en a hélas de tels dans l’œuvre de Dieu. Mais je n’ai que trop longuement parlé de lui, passons au deuxième personnage.

 

II – Guéhazi, le serviteur d’Elisée.

C’est le peu spirituel serviteur du spirituel Elisée. C’est l’indélicat serviteur de l’honnête homme de Dieu. Si le père de l’enfant est effacé, amorphe et passif, Guéhazi, lui, est tout le contraire. Lui, c’est l’activiste incarné, il est tout feu tout flamme, il veut jouer les premier rôles mais ça ne lui réussit pas. Quand enfin, il parviendra à faire parler de lui dans le chapitre suivant, ce sera pour son plus grand malheur car la lèpre éclatera sur sa figure. Sa spiritualité embryonnaire s’accorde si mal avec les premiers rôles qu’il ambitionne de jouer, que cela va nous valoir une grande leçon.  Frères et sœurs, bien sûr que nous devrions tous désirer  jouer un rôle et même un rôle important dans l’œuvre de Dieu. Aspirer à ce qu’il y a de meilleur n’est  pas une faute. Il est écrit que celui qui aspire à la charge d’ancien désire une chose excellente (1 Tim.3 :1) et l’apôtre Paul nous exhorte en  1 Cor.12 :31 à aspirer aux dons les meilleurs. Mais Guéhazi, lui, est animé d’un zèle intéressé, vaniteux et  sans intelligence comme le dit Romains 10 :2.  

Déjà au verset 27 nous le trouvons manquant de discernement, prompt à juger et à repousser cette femme qui saisi les pieds d’Elisée ; il n’a pas perçu l’angoisse de son âme. En cela il ressemble au sacrificateur Eli qui accusait Anne la future maman du grand prophète Samuel d’avoir trop bu parce qu’il la voyait articuler de ses lèvres une prière silencieuse.

Guéhazi était comme Simon le pharisien qui jugeait mal Jésus parce qu’une femme était venue se jeter à ses pieds, les mouiller de ses larmes et les essuyer de ses cheveux. Guéhazi était comme les disciples qui empêchaient les petits enfants de venir à Jésus. Et il va continuer à juger et à agir de la sorte. C’est dans l’énergie de la chair qu’il s’engage dans l’œuvre de Dieu et qu’il précède les autres. Il a été assez en contact avec Elisée et a vu assez de miracles pour ne pas saisir qu’il va encore y en avoir un. Mais cette fois-ci, il n’est plus l’assistant, il a le bâton du prophète en main, il est porteur d’une mission divine et il veut arriver bon premier. Ah, pense-t-il, on va voir ce qu’on va voir, Moi, Guéhazi je vais  ressusciter un mort ! Mon nom va s’inscrire en lettres dorées dans les annales sacrées, j’aurai mon nom dans la liste d’Hébreux 11 ! Eh bien non, il ne l’aura pas ! La femme et le prophète oui, mais pas lui. Pourquoi ? Parce que la Bible dit : Non, la chair et le sang, c’est-à-dire les bonnes intentions seulement, l’énergie animale n’héritent pas du royaume de Dieu ni d’une place parmi les héros de la galerie de la foi ! Il y avait mis son enthousiasme et c’était tout. Il a employé son souffle, ses jambes, la force des jarrets sans plus. J’admets qu’il en faut parfois quand on veut aller à la réunion ou glisser des invitations dans les boites aux lettres. On ne le blâmera pas d’être arrivé le premier, ni de s’être attendu à de grandes choses,  mais on ne discerne pas en lui l’homme de Dieu. Toute son histoire et sa foi embryonnaire sont là pour le prouver. Il avait vécu dans le sillage de la grandeur sans se hisser moralement d’un pouce. Guéhazi était allé au travail sans prière, sans préparation préalable, sans persistance et sans foi. Il avait réuni tous les éléments pour subir un échec. C’est pourquoi dans cette entreprise-ci comme dans celle du chapitre suivant  où nous est rapportée l’histoire  de la guérison du général Naaman, ses interventions ne pouvaient se  solder que  par un échec. Et c’est ce qui est arrivé. Pour Guéhazi  l’histoire se termine par un fiasco en ces mots : « il n’y eut ni voix ni signe d’attention ».

Voyons ensuite  le troisième agent dont Dieu va se servir.

 

III – La Sunamite, mère de l’enfant.

Nous découvrons ici que ce sont ceux qui ont été les plus intéressés pour la naissance de l’enfant qui sont les plus efficaces pour sa résurrection. Et nous trouvons là un grand principe valable pour toute l’œuvre de Dieu. Dieu n’emploie que ceux dont le cœur est vraiment engagé. Il ne veut pas qu’on s’intéresse à son œuvre de loin, en dilettante, même si c’est à grand renforts d’effets spéciaux. Dieu veut des hommes et des femmes qui savent souffrir par sympathie comme le fit  Elisée. Pourquoi Dieu se donne-t-il tant de peine à former quelqu’un avant de l’employer ?

Pour que cette femme soit prête, Dieu lui avait mis dans le cœur le désir d’avoir un enfant. Pour qu’elle soit prête, il l’avait laissée tenir l’enfant sur ses genoux jusqu’à son dernier souffle, épuisant sur lui toutes les ressources de sa tendresse. Et parce qu’elle avait souffert, gémi, pleuré, parce qu’elle avait été mêlée d’aussi près à la tragédie du déclin, elle était prête à entrer dans un renouveau de vie. Dieu n’emploie que des coeurs engagés. Dans son œuvre, Dieu n’a pas besoin de « m’as-tu-vu » ou d’esbroufeurs comme Guéhazi.

 

Comment savoir ?

Comment pouvons-nous savoir si nous sommes prêts à avoir une part importante dans le renouveau de l’œuvre de Dieu ? C’est facile à savoir : Souffrons-nous de l’une ou l’autre forme de  déclin au milieu de nous ? Quelqu’un qui ne s’intéresse que de loin à l’œuvre de Dieu, qui ne la porte pas, qui ne souffre pas pour elle, qui se contente de gérer une faillite, Dieu ne l’utilise pas. Je le redis, il veut des hommes et des femmes qui souffrent par sympathie. J’ai  toujours apprécié des jeunes qui venaient de passer par une authentique nouvelle naissance et que, peu après leur conversion, je voyais déjà souffrir pour l’Assemblée ou l’Eglise dans laquelle ils étaient entrés.  Ils ne la critiquaient pas (nous sommes tous critiquable quelque part), je trouvais ainsi chez eux la garantie qu’ils étaient dans la bonne voie et qu’ils allaient y persévérer.

Revenons à cette Sunamite. En privilégiant Elisée à Guéhazi, elle sait d’instinct ce que l’apôtre Paul dira plus tard : « les choses spirituelles se communiquent par des moyens  spirituels », cela se lit dans la version Darby en 1 Cor. 2 :13. Elle va vers celui qui, elle le sait, comprendra ses angoisses et portera son problème. Elle ne dit rien à son mari. A quoi bon s’adjoindre le concours de quelqu’un qui ne peut pas comprendre ce qu’elle ressent, même si c’est son mari. Elle voudra, pour le combat qui se prépare, celui avec lequel elle aura le plus d’affinité spirituelle. C’est le meilleur qu’elle veut et pas moins. Et lorsque Elisée fera mine de déléguer ses pouvoirs à son serviteur en lui donnant son bâton, elle n’acceptera de partir que si Elisée les accompagne. Non, elle a trop vécu au contact d’un second plan pour aller de l’avant avec un autre, cet autre eut-il entre les mains le bâton du prophète. Elle s’accroche à Elisée au point de le convaincre d’aller. Elle est fille de Jacob qui  lors de son homérique combat avec Dieu lui a dit : « Je ne te laisserai pas aller que tu ne m’aies béni ». Elle a la pugnacité de la Syro-phénicienne des évangiles qui, pour décrocher la bénédiction divine, accepte de n’être qu’un petit chien qui ramasse les miettes de la table du maître, ce qui émerveillera Jésus.

 

L’épreuve du temps.

Maintenant, la solidité et la constance spirituelle de cette femme se découvre dans cette phrase du verset 28 qu’elle a prononcée huit ou dix ans plus tôt et qu’elle rappelle au prophète : « Ai-je demandé un fils à mon Seigneur ? N’ai-je pas dit : Ne me trompe pas ? » Cet état d’esprit qui avait précédé le miracle de la naissance de l’enfant n’avait pas changé, ne s’était pas usé avec les années. Elisée,  lui aussi est disponible pour l’œuvre de Dieu à ce moment-là comme une décennie plus tôt. Ses sentiments, sa vision non plus n’avaient pas changés. C’est la même femme, c’est la même spiritualité, c’est le même homme qui ont permis le premier miracle et qui vont permettre le deuxième. Est-ce aussi vrai pour nous ? Mon premier amour pour le Seigneur est-il toujours pareil. Ce que j’ai désiré, ce que j’étais prêt à faire, ce que j’ai fait pour l’œuvre de Dieu, il y a cinq ou dix ans, est-ce que je suis prêt à le refaire. Puis-je encore dire : Seigneur, me voici, aussi disponible aujourd’hui qu’alors ? Ou dois-je donner raison à Alexandre Vinet qui disait qu’il y a plus de fleur au printemps que de fruit en automne ?

Souvenez-vous des premiers temps de votre conversion où les réunions n’étaient jamais trop nombreuses ni trop longues. Au début de ma nouvelle vie avec le Seigneur j’ai été frappé par une parole de la Bible que j’ai fait mienne. Elle est dans le psaume 27 et verset 4 : «  J’ai demandé une chose à l’Eternel et je la rechercherai, c’est d’habiter dans la maison de l’Eternel tous les jours de ma vie pour voir la beauté de l’Eternel et pour m’enquérir diligemment de lui dans son temple ». Je me suis engagé dès le début sur ce texte-là. Peu après je suis passé par les eaux du baptême et j’ai demandé à ce qu’on chante ce cantique dont je vous lis les paroles :

En avant donc avec courage,                      Il a saisi mes mains tremblantes ;

Avec espoir, avec bonheur ;                        J’ai dit amen à ce contrat !

Je me consacre sans partage                      Il étend sa mains bénissantes,

A mon Dieu, mon Roi, mon Sauveur           C’est en effet lui qui combat.

Il dit à mon âme ravie :                                Et, les yeux fermés, je m’avance,

Ne t’occupe plus que de moi,                     Tranquille, sur le droit chemin.

Et je dirigerai ta vie                                      J’entonne un chant de délivrance ;

Et je m’occuperai de toi.                              Il peut tout, car je ne suis rien !

 

Ces deux strophes ont été au centre de ma vie. C’était là un contrat auquel je me suis tenu. Certes, il y a eu des hauts, il y a eu des bas, il y a eu des luttes, il y a eu des chutes, il y a eu des turbulences et des échecs. Tout ce que vous avez ressenti dans votre vie, je l’ai aussi ressenti, mais contre vents et marées je m’y suis accroché et c’est encore vrai  au moment où je me tiens devant vous.

 

Voyons enfin.

 

IV – Le prophète Elisée.

1)    Le sérieux que le prophète donne à la chose se découvre dans cette phrase du verset 29 où après avoir donné son bâton à Guéhazi, il l’envoie avec cette recommandation : «si tu rencontres quelqu’un, ne le salue pas et si quelqu’un te salue, ne lui réponds pas… ». Ce qui veut dire : La chose réclame tous tes soins. Ne te laisse pas distraire. Le Seigneur Jésus n’a pas dit autre chose ; à un homme qui lui disait : « Je te  suivrai, Seigneur, mais permets-moi d’aller d’abord prendre congé de ceux de ma maison. Jésus lui répondit : Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n’est pas propre au royaume de Dieu » (Luc 9 :61,62).

 

« Non, ne me retenez pas » dira Eliezer aux parents de Rébecca qui lui demandent de s’attarder un peu avec eux.  Voilà le sérieux qu’il nous faut mettre dans l’œuvre de Dieu si nous voulons voir revenir à la vie « ce qui est près de mourir » comme le dit l’ange à l’Eglise de Sardes «(Apoc.3 :2). Il faut que cela devienne la chose la plus importante qui retiendra toute notre attention, sans nous laisser distraire par quoi que ce soit. Il nous faut dire avec Paul : « Je fais une chose, oubliant ce qui est derrière, je cours droit au but pour le prix de l’appel céleste en Jésus-Christ». « Je fais une chose » a-t-il dit, et pourtant il en faisait d’autres. Il était faiseur de tentes par métier et dans une certaine circonstance, il reprit ce travail manuel pour subvenir à ses besoins mais ce n’était pas là son objectif premier. Par nécessité, la vie nous impose aussi beaucoup de choses à faire, la plupart utiles, bonnes et indispensables mais Paul souligne : Je fais UNE chose.  Et cette chose aura la préséance  sur toutes les autres. Jésus n’a-t-il pas dit : Cherchez premièrement, le royaume de Dieu et sa justice et toutes choses vous seront données par-dessus ? Il n’a pas dit : cherchez aussi le royaume de Dieu, mais il a dit : recherchez-le premièrement.

 

2)    Il commença par la prière.

Arrivé dans la chambre mortuaire où reposait le corps de l’enfant, Elisée commença par prier Dieu. Autrement dit, il mit Dieu au commencement. Si, pour des choses humaines et matérielles (récolte, santé, études, métier, etc.), nous avons parfois recours à la prière, combien plus quand la chose est du domaine de la vie éternelle, donc de l’Eternité. J’ai lu que George Muller, ce grand serviteur de Dieu du siècle passé, n’écrivait jamais une lettre sans prier ? De son temps, les stylos à bille et stylo-feutres à pointe fine n’existaient pas, on se servait de plumes d’oie et chacun taillait la sienne. George Muller demandait l’aide de Dieu pour tailler sa plume d’oie, il introduisait Dieu jusque dans les plus petits détails de sa vie quotidienne.

Cette dépendance de Dieu est primordiale car avant d’influencer les hommes, il nous faut être influencé par Dieu, et c’est cette communion étroite avec le Maître qui nous y prépare.

J’ouvre une courte parenthèse sur la prière qu’Elisée avait jugée si nécessaire. J’ai parfois étonné des amis chrétiens en disant que je ne comprenais pas très bien pourquoi la Bible insiste tellement sur la nécessité de la prière, mais c’est comme ça !  Comme le disait Charles Spurgeon,  si nous prions, ce n’est pas pour renseigner le Seigneur ! Il y a des gens qui disent:  « Sais-tu, Seigneur ce qui est arrivé à untel ?.... ». Mais bien sûr qu’il le sait ! Si je prie, c’est donc pour tout autre chose que pour lui fournir des informations, c’est pour avoir ce contact, cette intimité avec lui. Même si je n’ai jamais bien compris la chose, je sais que Jésus est le divin modèle. Lui, le Fils de Dieu devenu le parfait serviteur, il prenait du temps pour la prière. Jésus nous l’a montré non seulement en nous enseignant qu’il ne faut pas se relâcher dans la prière mais en nous montrant qu’il avait, lui le Fils de Dieu, une vie de prière, et qu’il priait en tout temps. Il priait avant de choisir ses disciples, avant et après la tentation, il priait sur la montagne, en un lieu écarté, pendant des heures, toute une nuit.

 

3)    Elisée livra un combat de titan.

Toutes ses forces vives furent lancées dans la bataille pour la résurrection de l’enfant.  Cela est vrai aussi pour ce qui concerne la Mission, l’Assemblée, le travail parmi les enfants, les camps, l’évangélisation et bien d’autres choses y associées. Si le Saint-Esprit lutte et prie avec des soupirs inexprimables nous dit Rom. 8 :26 , le chrétien animé par le Saint-Esprit en fait autant.

Regardez Elisée, après avoir prié, il se fait tout à tous, il s’étend sur l’enfant. Tout était mort en lui, la vision, la parole, l’activité, la chaleur animale, tout. Alors, il s’étend sur lui, il le couvre, il met ses yeux sur ses yeux, sa bouche sur sa bouche, ses mains sur ses mains, ses 36,8° sur le corps refroidi du garçon. C’était la lutte au corps à corps. Quelque soit l’œuvre de Dieu : le salut des âmes, l’Assemblée, les messages à y apporter, la seule façon d’y amener la vie, c’est de s’y étendre, s’y donner, l’ imprégner de notre vie et y faire passer un peu de notre âme.

Il faut signaler que ça n’ira pas sans risque, car ce n’est jamais sans danger qu’on entre dans le domaine de Satan. Ce risque c’est de sentir le froid mortel qui nous pénètre, comme Elisée a dû le sentir. Il a dû descendre, aller ici et là, s’agiter, se réchauffer, et puis recommencer. Pour enrayer le froid mortel qui risquait de le pénétrer, après avoir eu communion avec la mort, Elisée a eu communion avec Celui qui est la source de la vie. C’est avec lui, avec Jésus, que nous trouverons la chaleur, ce « supplément d’âme » comme le disait le philosophe Henri Bergson, et la force pour redémarrer de plus belle.

Permettez-moi de vous faire voir, sous une forme un peu humoristique, que dans cette scène, c’est Elisée qui prend froid, mais c’est l’enfant qui éternue ! ce qui revient à dire qu’avec la protection de Dieu, il n’a même pas eu un rhume de cerveau, il s’en est sorti en pleine santé ! Il est toujours vrai comme le dit le Psaume 34 que l’Ange de l’Eternel campe autour de ceux qui le craignent et les protège du danger.

 

4)    Il a persévéré.

C’est là une vérité fondamentale de la vie chrétienne qui devient de plus en plus rare parce nous ne vivons plus dans le siècle de la persévérance mais dans celui du mâché, du « digest », du tout cuit, du préfabriqué. Autrefois si vous invitiez quelqu’un à prendre un  café, il fallait y mettre du temps, sortir le moulin, moudre le café en grain, y mettre de l’huile de coude, chauffer l’eau...Aujourd’hui, on glisse une capsule expresso  dans la machine, on appuie sur un bouton et en un clin d’œil c’est prêt. Et tout est à l’avenant. La télécommande nous épargne l’effort de nous lever du fauteuil pour changer un programme télévisé, et ainsi de suite... Et cela risque de déteindre sur notre engagement chrétien qui deviendrait alors une sorte de christianisme presse-bouton sans effort ni persévérance. 

 

Mais lui, au contraire a insisté, il n’a pas baissé les bras au premier échec car en effet, rien ne s’est passé à la première tentative. Félix Neff, appelé l’apôtre des Hautes Alpes qui, a force d’endurance et de fidélité et au prix de sa santé, a apporté le réveil dans les régions spirituellement mortes de Mens, Dormillouse, Freissinières, Félix Neff donc, prend l’exemple d’une pompe désamorcée dans le corps de laquelle on verse un litre d’eau ; puis on pompe, on pompe et on pompe encore jusqu’à ce qu’on entende le gargouillis de l’eau qui monte à l’intérieur. Nous, dit-il, c’est ce que nous faisons dans la prière, nous prions et dès que les premiers signes de la bénédiction apparaissent, nous nous arrêtons de pomper, nous baissons les bras.

 

Mais lui, Elisée, comme Félix Neff, n’a pas baissé les bras. Il a continué et sa persévérance fut récompensée. Dieu a mis l’étincelle de vie dans cet enfant. Dieu a honoré sa foi et sa persévérance. Et le rideau tombe sur une scène où, comme dans celle du fils prodigue, ils purent tous commencer à se réjouir. Et c’est ici que la grâce de Dieu surabonde ; ils ne se sont pas réjouis à deux, mais à quatre, la maman du petit garçon, Elisée, Guéhazi, le père de l’enfant sans compter sans doute l’enfant lui-même, le reste de la famille, l’entourage et les voisins.  Voyez-vous, quand Dieu partage ses grâces, elles ne se divisent pas, c’est le miracle des mathématiques divines, elles se multiplient.

Le souhait de mon coeur pour vous ici, et quand je dis pour vous, j’élargis le cercle à de nombreuses Assemblées, Eglises évangéliques et œuvres chrétiennes, c’est que vous connaissiez encore des jours de réveil et de bénédictions comme dans un passé pas très lointain – finalement qu’est-ce que vingt ans dans une vie d’Assemblée ?– Vous vous souvenez certainement des journées inoubliables que nous avons vécues ensemble, ici même, dans ces locaux ; de ces invitations faites de main  à main, d’amis à amis, de client à commerçant, et de la foule qui a débordé vos locaux devenus trop exigus. Ne pouvant pousser les murs, vous aviez installé dans la pièce annexe qui est derrière moi, une télévision en circuit fermé pour que chacun puisse voir et entendre. Et dans cette foule qui s’y pressait, il y avait même un ministre d’Etat invité personnellement et qui nous a honoré de sa présence. Des journées comme celles-là peuvent-elles se reproduire ? J’admets que nous vivons des temps difficiles mais si chacun ici voulait renouveler l’expérience  avec dans son coeur les sentiments qui étaient dans cette Sunamite et en Elisée, je crois que  cela est possible. La mort même n’a pas arrêté la bénédiction de Dieu. Je vous redis ce que j’ai dit récemment à des frères de chez nous : Je vous souhaite de ne pas gérer une faillite ; vous ne pouvez pas admettre ça. Dans un an, vous aurez tous un an de plus. Bien sûr, me direz-vous! Mais un an de plus c’est prendre le risque de devoir gérer une faillite. Cette Sunamite pouvait-elle prendre ce risque ? Pouvait-elle attendre ne serait-ce qu’un mois, ou une semaine ou trois jours pour demander le retour à la vie de son fils ? C’eut été l’exposer a une disparition définitive et se priver du triomphe de la résurrection ?

Voulons-nous vraiment la bénédiction de Dieu en réveil et en vie abondante ? C’est à notre portée. Ce que nous avons partagé ce soir en est la preuve. La voie est tracée  comme le dit si bien le prophète Esaïe à ceux qui ont des oreilles pour entendre  (30 :21) :   « tes oreilles entendront une parole derrière toi qui dit : C’est ici le chemin, marchez-y ! ».

Nous nous recueillons dans la prière.