Hier,
nous nous sommes étendus sur la première partie du récit que nous venons de
relire. Nous y avons fait la
connaissance d’une femme de distinction qui avait une piété offensive et une
foi pratique à côté d’un mari plutôt effacé. Le jeune fils de cette femme
était un miracle de la grâce de Dieu, comme le sont d’ailleurs toutes les
autres œuvres de Dieu, qu’elles s’appellent la nouvelle naissance
individuelle ou l’Assemblée collective, ou toutes les autres merveilles
issues de la prédication de l’Evangile. Elles ont toutes pour origine une
intervention divine.
Mais
il y a un ennemi à l’affût, qui veut détruire ces œuvres, et nous savons
qu’il y réussit parfois, au point que même le vase dans la main du divin
potier peut rater comme nous le raconte Jérémie 18.
A
plus forte raison y a-t-il des dégradations là où l’œuvre de Dieu est
confiée entre les mains de l’homme : A Ephèse, le premier amour est
abandonné.
A
Pergame, la doctrine se relâche.
A
Thyatire, elle est franchement corrompue.
A
Sardes, l’œuvre est stoppée à mi-chemin.
Et
à Laodicée, elle est devenue méconnaissable.
Toutes
ces Assemblées étaient pourtant le produit d’un miracle de Dieu. Mais même
un miracle ne met pas une Eglise à l’abri du déclin et de la mort.
Une
Assemblée peut avoir comme ce jeune enfant, la tête souffrante et être entraînée
à une disparition rapide. Un autorité sur son déclin, des centres nerveux qui
ne commandent plus, et c’est la mort certaine à brève échéance.
D’ailleurs,
comme cette femme, nous assistons impuissants au déclin de la vie spirituelle.
Et ce déclin, s’il n’est pas mondial il est en tout cas européen.
Mais
lorsque l’œuvre est vraiment de Dieu, la situation, fut-elle à son point le
plus sombre, elle n’est jamais désespérée.
Le
vase est-il gâché ? Qu’à cela ne tienne, Dieu en refera un autre !
La terre, œuvre de Dieu, est-elle devenue chaos selon ce qu’en disent les
premières lignes de la Genèse ? L’Esprit de Dieu planera sur les ténèbres
de la mort pour la remettre en état et la rendre habitable pour l’homme !
Le premier Adam a-t-il failli ? Dieu enverra le 2ème Adam pour
le sauver ! La nuit du moyen-âge a-t-elle maintenu les hommes dans
l’ignorance ? Dieu par la Réforme fera éclater l’aube libératrice
d’un jour nouveau ! Le Protestantisme est-il entré dans une période
d’apathie ? Les 18ème et 19ème siècles verront
naître les Réveils religieux d’où sortiront quantités de témoignages évangéliques !
Les
hommes disent « tant qu’il y a vie, il y a espoir ». Mais parce
que nous croyons en un Seigneur ressuscité, nous disons : « Y
aurait-il mort, que nous garderions espoir parce que nous nous confions en celui
qui ressuscite les morts ».
La
situation actuelle ne peut pas être plus sombre et plus difficile que celle qui
nous est rapportée en 2 Rois 4. Et le même Dieu qui par sa puissance a fait
reculer la mort et fait renaître à la vie, peut aussi, dans les
temps particulièrement difficiles que nous traversons, répondre au-delà
de ce que nous demandons et pensons.
Les quatre agents.
Ici,
comme souvent dans l’œuvre de Dieu, des agents humains entrent en scène. Ils
sont au nombre de quatre. Quatre personnes vont graviter autour du salut de
l’enfant. Le père, la mère, Guéhazi et Elisée. De ces quatre
personnes vont sortir quatre réactions différentes qui se retrouvent
aujourd’hui encore chez ceux qui sont partie prenante dans l’œuvre de Dieu.
Et
parmi ces quatre personnes, deux seulement vont jouer une part importante et décisive.
Les deux autres ne seront que des figurants de deuxième ordre, des acteurs de
deuxième rang. Je n’oserai pas les traiter de parasites, car si le
Saint-Esprit a bien voulu nous en parler, c’est afin que de leur effacement
nous en tirions une leçon.
Certes
ils auront leur part des réjouissances à la fin, comme au tribunal de Christ où
chacun recevra sa louange du Seigneur nous dit 1 Cor.3 :14,15, même ceux
qui seront sauvés comme au travers du feu, mais leur part sera bien mince, car
s’il n’y avait eu qu’eux, l’œuvre de régénération ne se serait
jamais faite.
Ces
deux personnages plutôt médiocres ont nom de 1) le père de l’enfant et 2) Guéhazi le serviteur d’Elisée.
Voyons
tout d’abord :
Il
fut le premier à remarquer les premiers signes de la maladie qui allaient
emporter son fils. Il avait le don d’observation mais pas celui de l’action.
Et
de même, ceux qui sont les premiers à remarquer ce qui ne va pas, ne sont pas
toujours les premiers à faire quelque chose pour que ça aille mieux. Comme ce
père a envoyé son enfant chez sa femme, ils s’en remettent volontiers aux
autres, ils se déchargent sur les autres comme si ce n’était pas leur
affaire à eux.
Mais,
je vous le demande, n’était-ce pas son affaire à lui ? N’était-il
pas son fils, son fils unique en plus, son seul héritier ? Hé bien non,
il était trop occupé ; et pourtant sa vie, son travail, ses récoltes,
n’avaient de sens que dans la survie de son fils. Son fils mort, tout perdait
son sens, son intérêt ; tout devenait vain : à quoi bon toute cette
peine si son unique descendant ne pouvait lui succéder ?
De
même, notre vie chrétienne ne garde son vrai sens que dans la prospérité et
la continuité et c’est pourquoi elle doit nous tenir à cœur.
Que
notre Assemblée locale qui est aussi l’œuvre de Dieu s’étiole et c’est
toute notre vie qui s’amoindrit ; qu’elle meure et c’est le témoignage
du salut dans la région où elle est implantée qui meurt avec elle.
Certes,
cet homme avait, d’autres chats à fouetter, du moins le pensait-il ; il
avait sa récolte à rentrer, il avait des à-côtés importants. Mais le
malheur, ce n’est pas d’avoir des à-côtés importants, nous en avons tous,
c’est de mettre nos récoltes matérielles au centre de nos vies et de
faire un à-côté de l’œuvre de Dieu.
L’exemple
de Jésus.
Jésus
n’a pas traité l’œuvre de son Père comme un à-côté. A douze ans déjà,
il y était tout entier ; aux reproches de Marie sa mère qui ne le
comprenait pas, n’a-t-il pas répondu : « Ne saviez-vous
pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ? ».
Toute sa vie a démontré que son but premier c’était de faire l’œuvre
et la volonté de Dieu. Quand il est entré dans la partie la plus douloureuse
de cette œuvre, le temps de la Passion, pour accomplir cette œuvre de salut il
s’est tourné résolument vers Jérusalem, sachant pourtant le terrible sort
qui l’y attendait. Et l’apôtre Paul qui mettait ses pieds dans les traces
de son Maître disait : « Je
ne fais pour moi-même aucun cas de ma vie comme si elle m’était précieuse,
pourvu que j’accomplisse ma course avec joie et le ministère que j’ai reçu
du Seigneur Jésus d’annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu »
(Actes 20 :24).
Le
détachement de ce père à l’égard de son jeune fils se mesure quand il le
fait porter à sa mère par un de ses ouvriers : il ne souffle pas mot. Bah !
pense-t-il, un cachet d’aspirine et ça passera. Mais la méningite
foudroyante ne se guérit pas avec une bonne dose d’indifférence,
d’indolence, des cachets d’aspirine et du paracétamol.
Il
trouvera même étrange que sa femme aille vers le prophète. Ce n’était pas
le sabbat, ni la nouvelle lune ; pour lui ce n’était pas le moment. Pour
certains ce n’est jamais le moment de faire quelque chose, de reprendre les
choses en main. Ils regardent aux jours, aux nuages et à la pluie dit le livre
de l’Ecclésiaste, et ils laissent passer le jour de l’action. Ils ont leurs
moments à eux, leurs itinéraires à eux, ils ont leurs heures à eux, comme le
héron de la fable qui négligea la carpe et le brochet parce que ce n’était
pas l’heure du repas et qui dût se contenter d’un limaçon ! Ils ne
savent sans doute pas que pour le diable c’est toujours le moment. Il n’a,
lui, ni horaire, ni sabbat, ni nouvelle lune, ni jour de Mephisto. Il sème son
ivraie et moissonne en tout temps ;
lui au moins n’est pas sclérosé dans un horaire étriqué. Il joue ses airs
de perdition sur la harpe à sept cordes des sept jours de la semaine. Aussi, à
des attaques qui nous viennent à tout moment et de tous les azimut, il faut
faire comme cette femme et comme l’a dit l’apôtre Paul, il faut
contre-attaquer « en temps et hors de temps » (2Tim.4 :2).
Incompréhension.
Mais
ce langage, cette façon de faire, il ne peut pas le comprendre, il n’a
d’ailleurs jamais compris grand-chose. Certes, il ne s’y oppose pas. Il est
d’ailleurs du type qui ne s’oppose à rien parce qu’il ne s’intéresse
à rien. Si, peut-être, à ses sabbats, ses nouvelles lunes, les grandes fêtes
du calendrier ecclésiastique mais
entre temps, il faut le laisser tranquille ; il est à sa récolte, à son
bricolage, à sa télévision, à la lecture de son journal, à son jardinage,
à son ouverture de la pêche ou de la chasse,
à sa cueillette des champignons, à sa coupe d’Europe. Il y a toujours
une saison pour quelque chose et il y a tellement de saisons pour tout qu’il
ne leur reste plus de temps libre pour les activités de l’Assemblée du
dimanche ou de la semaine. L’Eglise Réformée a pour eux cette belle mais
triste définition, ce sont des « périphériques », on ne sait
jamais s’ils sont dedans ou dehors.
Si
le prophète a pris ses repas chez eux, il n’y est pour rien. Si une chambre
d’accueil a été construire, il n’y est pas pour grand chose. S’il a un héritier,
c’est deux fois à sa femme qu’il le doit. Son fils sera sauvé mais
il n’y sera encore pour rien ; certes, il est là, mais il compte pour du
beurre, il est la cinquième roue d’un char ; il est comme la roue de
secours de ma dernière voiture, elle était dans le coffre depuis le début
mais je ne m’en suis jamais servi ; elle était là, en cas !
Lui aussi il était un « en cas ». Il est bouclé dans le coffre, il
ne partage ni la vision ni la souffrance de sa femme ; dans cette scène il
n’est qu’un pâle figurant tellement effacé et sans relief qu’il finit
par se confondre avec le décor. Il y en a hélas de tels dans l’œuvre de
Dieu. Mais je n’ai que trop longuement parlé de lui, passons au deuxième
personnage.
C’est
le peu spirituel serviteur du spirituel Elisée. C’est l’indélicat
serviteur de l’honnête homme de Dieu. Si le père de l’enfant est effacé,
amorphe et passif, Guéhazi, lui, est tout le contraire. Lui, c’est
l’activiste incarné, il est tout feu tout flamme, il veut jouer les premier rôles
mais ça ne lui réussit pas. Quand enfin, il parviendra à faire parler de lui
dans le chapitre suivant, ce sera pour son plus grand malheur car la lèpre éclatera
sur sa figure. Sa spiritualité embryonnaire s’accorde si mal avec les
premiers rôles qu’il ambitionne de jouer, que cela va nous valoir une grande
leçon. Frères et sœurs, bien sûr
que nous devrions tous désirer jouer
un rôle et même un rôle important dans l’œuvre de Dieu. Aspirer à ce
qu’il y a de meilleur n’est pas
une faute. Il est écrit que celui qui aspire à la charge d’ancien désire
une chose excellente (1 Tim.3 :1) et l’apôtre Paul nous exhorte en
1 Cor.12 :31 à aspirer aux dons les meilleurs. Mais Guéhazi, lui,
est animé d’un zèle intéressé, vaniteux et
sans intelligence comme le dit Romains 10 :2.
Déjà
au verset 27 nous le trouvons manquant de discernement, prompt à juger et à
repousser cette femme qui saisi les pieds d’Elisée ; il n’a pas perçu
l’angoisse de son âme. En cela il ressemble au sacrificateur Eli qui accusait
Anne la future maman du grand prophète Samuel d’avoir trop bu parce qu’il
la voyait articuler de ses lèvres une prière silencieuse.
Guéhazi
était comme Simon le pharisien qui jugeait mal Jésus parce qu’une femme était
venue se jeter à ses pieds, les mouiller de ses larmes et les essuyer de ses
cheveux. Guéhazi était comme les disciples qui empêchaient les petits enfants
de venir à Jésus. Et il va continuer à juger et à agir de la sorte. C’est
dans l’énergie de la chair qu’il s’engage dans l’œuvre de Dieu et
qu’il précède les autres. Il a été assez en contact avec Elisée et a vu
assez de miracles pour ne pas saisir qu’il va encore y en avoir un. Mais cette
fois-ci, il n’est plus l’assistant, il a le bâton du prophète en main, il
est porteur d’une mission divine et il veut arriver bon premier. Ah,
pense-t-il, on va voir ce qu’on va voir, Moi, Guéhazi je vais
ressusciter un mort ! Mon nom va s’inscrire en lettres dorées
dans les annales sacrées, j’aurai mon nom dans la liste d’Hébreux 11 !
Eh bien non, il ne l’aura pas ! La femme et le prophète oui, mais
pas lui. Pourquoi ? Parce que la Bible dit : Non, la chair et le sang,
c’est-à-dire les bonnes intentions seulement, l’énergie animale n’héritent
pas du royaume de Dieu ni d’une place parmi les héros de la galerie de la foi !
Il y avait mis son enthousiasme et c’était tout. Il a employé son souffle,
ses jambes, la force des jarrets sans plus. J’admets qu’il en faut parfois
quand on veut aller à la réunion ou glisser des invitations dans les boites
aux lettres. On ne le blâmera pas d’être arrivé le premier, ni de s’être
attendu à de grandes choses, mais
on ne discerne pas en lui l’homme de Dieu. Toute son histoire et sa foi
embryonnaire sont là pour le prouver. Il avait vécu dans le sillage de la
grandeur sans se hisser moralement d’un pouce. Guéhazi était allé au
travail sans prière, sans préparation préalable, sans persistance et sans
foi. Il avait réuni tous les éléments pour subir un échec. C’est pourquoi
dans cette entreprise-ci comme dans celle du chapitre suivant
où nous est rapportée l’histoire
de la guérison du général Naaman, ses interventions ne pouvaient se solder que par
un échec. Et c’est ce qui est arrivé. Pour Guéhazi
l’histoire se termine par un fiasco en ces mots : « il n’y
eut ni voix ni signe d’attention ».
Voyons
ensuite le troisième agent dont
Dieu va se servir.
Nous
découvrons ici que ce sont ceux qui ont été les plus intéressés pour la
naissance de l’enfant qui sont les plus efficaces pour sa résurrection. Et
nous trouvons là un grand principe valable pour toute l’œuvre de Dieu. Dieu
n’emploie que ceux dont le cœur est vraiment engagé. Il ne veut pas qu’on
s’intéresse à son œuvre de loin, en dilettante, même si c’est à grand
renforts d’effets spéciaux. Dieu veut des hommes et des femmes qui savent
souffrir par sympathie comme le fit Elisée.
Pourquoi Dieu se donne-t-il tant de peine à former quelqu’un avant de
l’employer ?
Pour
que cette femme soit prête, Dieu lui avait mis dans le cœur le désir
d’avoir un enfant. Pour qu’elle soit prête, il l’avait laissée tenir
l’enfant sur ses genoux jusqu’à son dernier souffle, épuisant sur lui
toutes les ressources de sa tendresse. Et parce qu’elle avait souffert, gémi,
pleuré, parce qu’elle avait été mêlée d’aussi près à la tragédie du
déclin, elle était prête à entrer dans un renouveau de vie. Dieu n’emploie
que des coeurs engagés. Dans son œuvre, Dieu n’a pas besoin de « m’as-tu-vu »
ou d’esbroufeurs comme Guéhazi.
Comment savoir ?
Comment
pouvons-nous savoir si nous sommes prêts à avoir une part importante dans le
renouveau de l’œuvre de Dieu ? C’est facile à savoir :
Souffrons-nous de l’une ou l’autre forme de
déclin au milieu de nous ? Quelqu’un qui ne s’intéresse que de
loin à l’œuvre de Dieu, qui ne la porte pas, qui ne souffre pas pour elle,
qui se contente de gérer une faillite, Dieu ne l’utilise pas. Je le redis, il
veut des hommes et des femmes qui souffrent par sympathie. J’ai
toujours apprécié des jeunes qui venaient de passer par une authentique
nouvelle naissance et que, peu après leur conversion, je voyais déjà souffrir
pour l’Assemblée ou l’Eglise dans laquelle ils étaient entrés.
Ils ne la critiquaient pas (nous sommes tous critiquable quelque part),
je trouvais ainsi chez eux la garantie qu’ils étaient dans la bonne voie et
qu’ils allaient y persévérer.
Revenons
à cette Sunamite. En privilégiant Elisée à Guéhazi, elle sait d’instinct
ce que l’apôtre Paul dira plus tard : « les choses spirituelles se
communiquent par des moyens spirituels »,
cela se lit dans la version Darby en 1 Cor. 2 :13. Elle va vers celui qui,
elle le sait, comprendra ses angoisses et portera son problème. Elle ne dit
rien à son mari. A quoi bon s’adjoindre le concours de quelqu’un qui ne
peut pas comprendre ce qu’elle ressent, même si c’est son mari. Elle
voudra, pour le combat qui se prépare, celui avec lequel elle aura le plus
d’affinité spirituelle. C’est le meilleur qu’elle veut et pas moins. Et
lorsque Elisée fera mine de déléguer ses pouvoirs à son serviteur en lui
donnant son bâton, elle n’acceptera de partir que si Elisée les accompagne.
Non, elle a trop vécu au contact d’un second plan pour aller de l’avant
avec un autre, cet autre eut-il entre les mains le bâton du prophète. Elle
s’accroche à Elisée au point de le convaincre d’aller. Elle est fille de
Jacob qui lors de son homérique
combat avec Dieu lui a dit : « Je ne te laisserai pas aller que tu ne
m’aies béni ». Elle a la pugnacité de la Syro-phénicienne des évangiles
qui, pour décrocher la bénédiction divine, accepte de n’être qu’un petit
chien qui ramasse les miettes de la table du maître, ce qui émerveillera Jésus.
L’épreuve du temps.
Maintenant,
la solidité et la constance spirituelle de cette femme se découvre dans cette
phrase du verset 28 qu’elle a prononcée huit ou dix ans plus tôt et
qu’elle rappelle au prophète : « Ai-je demandé un fils à mon
Seigneur ? N’ai-je pas dit : Ne me trompe pas ? »
Cet état d’esprit qui avait précédé le miracle de la naissance de
l’enfant n’avait pas changé, ne s’était pas usé avec les années. Elisée,
lui aussi est disponible pour l’œuvre de Dieu à ce moment-là comme
une décennie plus tôt. Ses sentiments, sa vision non plus n’avaient pas
changés. C’est la même femme, c’est la même spiritualité, c’est le même
homme qui ont permis le premier miracle et qui vont permettre le deuxième.
Est-ce aussi vrai pour nous ? Mon premier amour pour le Seigneur est-il
toujours pareil. Ce que j’ai désiré, ce que j’étais prêt à faire, ce
que j’ai fait pour l’œuvre de Dieu, il y a cinq ou dix ans, est-ce que je
suis prêt à le refaire. Puis-je encore dire : Seigneur, me voici, aussi
disponible aujourd’hui qu’alors ? Ou dois-je donner raison à Alexandre
Vinet qui disait qu’il y a plus de fleur au printemps que de fruit en automne ?
Souvenez-vous
des premiers temps de votre conversion où les réunions n’étaient jamais
trop nombreuses ni trop longues. Au début de ma nouvelle vie avec le Seigneur
j’ai été frappé par une parole de la Bible que j’ai fait mienne. Elle est
dans le psaume 27 et verset 4 : « J’ai demandé une chose à l’Eternel
et je la rechercherai, c’est d’habiter dans la maison de l’Eternel tous
les jours de ma vie pour voir la beauté de l’Eternel et pour m’enquérir
diligemment de lui dans son temple ». Je me suis engagé dès le début
sur ce texte-là. Peu après je suis passé par les eaux du baptême et j’ai
demandé à ce qu’on chante ce cantique dont je vous lis les paroles :
En
avant donc avec courage,
Il a saisi mes mains tremblantes ;
Avec
espoir, avec bonheur ;
J’ai dit amen à ce contrat !
Je
me consacre sans partage
Il étend sa mains bénissantes,
A
mon Dieu, mon Roi, mon Sauveur
C’est en effet lui qui combat.
Il
dit à mon âme ravie :
Et, les yeux fermés, je m’avance,
Ne
t’occupe plus que de moi,
Tranquille, sur le droit chemin.
Et
je dirigerai ta vie
J’entonne un chant de délivrance ;
Et
je m’occuperai de toi.
Il peut tout, car je ne suis rien !
Ces deux strophes ont été au centre de ma vie. C’était là un contrat auquel je me suis tenu. Certes, il y a eu des hauts, il y a eu des bas, il y a eu des luttes, il y a eu des chutes, il y a eu des turbulences et des échecs. Tout ce que vous avez ressenti dans votre vie, je l’ai aussi ressenti, mais contre vents et marées je m’y suis accroché et c’est encore vrai au moment où je me tiens devant vous.
Voyons
enfin.
1)
Le sérieux que le prophète donne à la chose se découvre
dans cette phrase du verset 29 où après avoir donné son bâton à Guéhazi,
il l’envoie avec cette recommandation : «si tu rencontres quelqu’un, ne
le salue pas et si quelqu’un te salue, ne lui réponds pas… ». Ce qui
veut dire : La chose réclame tous tes soins. Ne te laisse pas distraire.
Le Seigneur Jésus n’a pas dit autre chose ; à un homme qui lui disait :
« Je te suivrai, Seigneur,
mais permets-moi d’aller d’abord prendre congé de ceux de ma maison. Jésus
lui répondit : Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière,
n’est pas propre au royaume de Dieu » (Luc 9 :61,62).
« Non, ne me retenez pas » dira
Eliezer aux parents de Rébecca qui lui demandent de s’attarder un peu avec
eux. Voilà le sérieux qu’il nous faut mettre dans l’œuvre de Dieu
si nous voulons voir revenir à la vie « ce qui est près de mourir »
comme le dit l’ange à l’Eglise de Sardes «(Apoc.3 :2). Il faut que
cela devienne la chose la plus importante qui retiendra toute notre attention,
sans nous laisser distraire par quoi que ce soit. Il nous faut dire avec Paul :
« Je fais une chose, oubliant ce qui est derrière, je cours droit
au but pour le prix de l’appel céleste en Jésus-Christ». « Je fais une
chose » a-t-il dit, et pourtant il en faisait d’autres. Il était
faiseur de tentes par métier et dans une certaine circonstance, il reprit ce
travail manuel pour subvenir à ses besoins mais ce n’était pas là son
objectif premier. Par nécessité, la vie nous impose aussi beaucoup de choses
à faire, la plupart utiles, bonnes et indispensables mais Paul souligne :
Je fais UNE chose. Et cette chose aura la préséance
sur toutes les autres. Jésus n’a-t-il pas dit : Cherchez premièrement,
le royaume de Dieu et sa justice et toutes choses vous seront données
par-dessus ? Il n’a pas dit : cherchez aussi le royaume de
Dieu, mais il a dit : recherchez-le premièrement.
2)
Il commença par la prière.
Arrivé dans la chambre mortuaire où reposait le
corps de l’enfant, Elisée commença par prier Dieu. Autrement dit, il mit
Dieu au commencement. Si, pour des choses humaines et matérielles (récolte,
santé, études, métier, etc.), nous avons parfois recours à la prière,
combien plus quand la chose est du domaine de la vie éternelle, donc de l’Eternité.
J’ai lu que George Muller, ce grand serviteur de Dieu du siècle passé, n’écrivait
jamais une lettre sans prier ? De son temps, les stylos à bille et
stylo-feutres à pointe fine n’existaient pas, on se servait de plumes d’oie
et chacun taillait la sienne. George Muller demandait l’aide de Dieu pour
tailler sa plume d’oie, il introduisait Dieu jusque dans les plus petits détails
de sa vie quotidienne.
Cette dépendance de Dieu est primordiale car avant
d’influencer les hommes, il nous faut être influencé par Dieu, et c’est
cette communion étroite avec le Maître qui nous y prépare.
J’ouvre une courte parenthèse sur la prière
qu’Elisée avait jugée si nécessaire. J’ai parfois étonné des amis chrétiens
en disant que je ne comprenais pas très bien pourquoi la Bible insiste
tellement sur la nécessité de la prière, mais c’est comme ça !
Comme le disait Charles Spurgeon, si
nous prions, ce n’est pas pour renseigner le Seigneur ! Il y a des gens
qui disent: « Sais-tu, Seigneur ce qui est arrivé à untel ?.... ».
Mais bien sûr qu’il le sait ! Si je prie, c’est donc pour tout autre
chose que pour lui fournir des informations, c’est pour avoir ce contact,
cette intimité avec lui. Même si je n’ai jamais bien compris la chose, je
sais que Jésus est le divin modèle. Lui, le Fils de Dieu devenu le parfait
serviteur, il prenait du temps pour la prière. Jésus nous l’a montré non
seulement en nous enseignant qu’il ne faut pas se relâcher dans la prière
mais en nous montrant qu’il avait, lui le Fils de Dieu, une vie de prière, et
qu’il priait en tout temps. Il priait avant de choisir ses disciples, avant et
après la tentation, il priait sur la montagne, en un lieu écarté, pendant des
heures, toute une nuit.
3)
Elisée livra un combat de titan.
Toutes ses forces vives furent lancées dans la
bataille pour la résurrection de l’enfant.
Cela est vrai aussi pour ce qui concerne la Mission, l’Assemblée, le
travail parmi les enfants, les camps, l’évangélisation et bien d’autres
choses y associées. Si le Saint-Esprit lutte et prie avec des soupirs
inexprimables nous dit Rom. 8 :26 , le chrétien animé par le Saint-Esprit
en fait autant.
Regardez Elisée, après avoir prié, il se fait
tout à tous, il s’étend sur l’enfant. Tout était mort en lui, la vision,
la parole, l’activité, la chaleur animale, tout. Alors, il s’étend sur
lui, il le couvre, il met ses yeux sur ses yeux, sa bouche sur sa bouche, ses
mains sur ses mains, ses 36,8° sur le corps refroidi du garçon. C’était la
lutte au corps à corps. Quelque soit l’œuvre de Dieu : le salut des âmes,
l’Assemblée, les messages à y apporter, la seule façon d’y amener la vie,
c’est de s’y étendre, s’y donner, l’ imprégner de notre vie et y faire
passer un peu de notre âme.
Il faut signaler que ça n’ira pas sans risque,
car ce n’est jamais sans danger qu’on entre dans le domaine de Satan. Ce
risque c’est de sentir le froid mortel qui nous pénètre, comme Elisée a dû
le sentir. Il a dû descendre, aller ici et là, s’agiter, se réchauffer, et
puis recommencer. Pour enrayer le froid mortel qui risquait de le pénétrer,
après avoir eu communion avec la mort, Elisée a eu communion avec Celui qui
est la source de la vie. C’est avec lui, avec Jésus, que nous trouverons la
chaleur, ce « supplément d’âme » comme le disait le philosophe
Henri Bergson, et la force pour redémarrer de plus belle.
Permettez-moi de vous faire voir, sous une forme un
peu humoristique, que dans cette scène, c’est Elisée qui prend froid, mais
c’est l’enfant qui éternue ! ce qui revient à dire qu’avec la
protection de Dieu, il n’a même pas eu un rhume de cerveau, il s’en est
sorti en pleine santé ! Il est toujours vrai comme le dit le Psaume 34 que
l’Ange de l’Eternel campe autour de ceux qui le craignent et les protège du
danger.
4)
Il a persévéré.
C’est là une vérité fondamentale de la vie chrétienne
qui devient de plus en plus rare parce nous ne vivons plus dans le siècle de la
persévérance mais dans celui du mâché, du « digest », du tout
cuit, du préfabriqué. Autrefois si vous invitiez quelqu’un à prendre un
café, il fallait y mettre du temps, sortir le moulin, moudre le café en
grain, y mettre de l’huile de coude, chauffer l’eau...Aujourd’hui, on
glisse une capsule expresso dans la machine, on appuie sur un bouton et en un clin d’œil
c’est prêt. Et tout est à l’avenant. La télécommande nous épargne
l’effort de nous lever du fauteuil pour changer un programme télévisé, et
ainsi de suite... Et cela risque de déteindre sur notre engagement chrétien
qui deviendrait alors une sorte de christianisme presse-bouton sans effort ni
persévérance.
Mais lui, au contraire a insisté, il n’a pas
baissé les bras au premier échec car en effet, rien ne s’est passé à la
première tentative. Félix Neff, appelé l’apôtre des Hautes Alpes qui, a
force d’endurance et de fidélité et au prix de sa santé, a apporté le réveil
dans les régions spirituellement mortes de Mens, Dormillouse, Freissinières, Félix
Neff donc, prend l’exemple d’une pompe désamorcée dans le corps de
laquelle on verse un litre d’eau ; puis on pompe, on pompe et on pompe
encore jusqu’à ce qu’on entende le gargouillis de l’eau qui monte à
l’intérieur. Nous, dit-il, c’est ce que nous faisons dans la prière, nous
prions et dès que les premiers signes de la bénédiction apparaissent, nous
nous arrêtons de pomper, nous baissons les bras.
Mais lui, Elisée, comme Félix Neff, n’a pas
baissé les bras. Il a continué et sa persévérance fut récompensée. Dieu a
mis l’étincelle de vie dans cet enfant. Dieu a honoré sa foi et sa persévérance.
Et le rideau tombe sur une scène où, comme dans celle du fils prodigue, ils
purent tous commencer à se réjouir. Et c’est ici que la grâce de Dieu
surabonde ; ils ne se sont pas réjouis à deux, mais à quatre, la maman
du petit garçon, Elisée, Guéhazi, le père de l’enfant sans compter sans
doute l’enfant lui-même, le reste de la famille, l’entourage et les
voisins. Voyez-vous, quand Dieu
partage ses grâces, elles ne se divisent pas, c’est le miracle des mathématiques
divines, elles se multiplient.
Le souhait de mon coeur pour vous ici, et quand je
dis pour vous, j’élargis le cercle à de nombreuses Assemblées, Eglises évangéliques
et œuvres chrétiennes, c’est que vous connaissiez encore des jours de réveil
et de bénédictions comme dans un passé pas très lointain – finalement
qu’est-ce que vingt ans dans une vie d’Assemblée ?– Vous vous
souvenez certainement des journées inoubliables que nous avons vécues
ensemble, ici même, dans ces locaux ; de ces invitations faites de main à main, d’amis à amis, de client à commerçant, et de la
foule qui a débordé vos locaux devenus trop exigus. Ne pouvant pousser les
murs, vous aviez installé dans la pièce annexe qui est derrière moi, une télévision
en circuit fermé pour que chacun puisse voir et entendre. Et dans cette foule
qui s’y pressait, il y avait même un ministre d’Etat invité
personnellement et qui nous a honoré de sa présence. Des journées comme
celles-là peuvent-elles se reproduire ? J’admets que nous vivons des
temps difficiles mais si chacun ici voulait renouveler l’expérience
avec dans son coeur les sentiments qui étaient dans cette Sunamite et en
Elisée, je crois que cela est
possible. La mort même n’a pas arrêté la bénédiction de Dieu. Je vous
redis ce que j’ai dit récemment à des frères de chez nous : Je vous
souhaite de ne pas gérer une faillite ; vous ne pouvez pas admettre ça.
Dans un an, vous aurez tous un an de plus. Bien sûr, me direz-vous! Mais un an
de plus c’est prendre le risque de devoir gérer une faillite. Cette Sunamite
pouvait-elle prendre ce risque ? Pouvait-elle attendre ne serait-ce qu’un
mois, ou une semaine ou trois jours pour demander le retour à la vie de son
fils ? C’eut été l’exposer a une disparition définitive et se priver
du triomphe de la résurrection ?
Voulons-nous vraiment la bénédiction de Dieu en réveil
et en vie abondante ? C’est à notre portée. Ce que nous avons partagé
ce soir en est la preuve. La voie est tracée
comme le dit si bien le prophète Esaïe à ceux qui ont des oreilles
pour entendre (30 :21) :
« tes oreilles entendront une parole derrière toi qui dit :
C’est ici le chemin, marchez-y ! ».